Dans un précédent édito, notre camarade Cécile Fraysse se réjouissait d’un redémarrage sur les chapeaux de roue. Certes, tous les théâtres ne font pas le plein et les spectateurs semblent manifestement avoir modifié leurs habitudes de réservation et de fréquentation. Mais cette quasi « double-saison » s’annonce chargée, puisque beaucoup ont tenté d’y intégrer ce qui avait dû être annulé ou reporté. Cette sorte de boulimie nous ravit bien sûr, mais elle s’accompagne d’une frénésie généralisée qui fait peu de cas de nos espoirs d’un autre monde.
La croissance redémarre en flèche, on peut de nouveau déforester ici, forer de nouveaux puits de pétrole là, et un peu partout en Europe semble entretenir un concours Lépine permanent de la meilleure façon de punir ceux qui le sont déjà, et tentent de fuir un pays où vivre ne leur est plus possible.
En France, un grand quotidien s’est ému très récemment de l’endoctrinement dont se rendraient coupable une partie des enseignants et des associations qui interviennent à leurs côtés. Cet endoctrinement se manifesterait notamment par des actions de lutte contre le racisme ou contre l’homophobie, c’est dire si le danger guette nos enfants dans les écoles. Ce même journal s’étonnait que des associations comme SOS Homophobie ou le Planning Familial disposent d’un agrément pour intervenir en milieu scolaire.
Combien des spectacles créés ou accueillis par nos adhérents pourraient être également montrés du doigt ? Nombre d’entre eux ne s’égarent-ils pas à défendre l’égale dignité de toutes les cultures, le droit à la différence, la nécessaire évolution vers un monde plus juste et plus solidaire, l’urgence à garder viable une planète chaque jour un peu plus massacrée ? Nous faudra-t-il reprendre des combats qui nous semblaient gagnés depuis longtemps dans leur légitimité ?
Dans cette période où les basculements les plus insensés ne sont plus improbables, il est encore plus nécessaire de se rassembler pour défendre non seulement un secteur d’activité, mais aussi des convictions, et une certaine idée du projet collectif de la nation quant à l’éducation de sa jeunesse. C’est le rôle de Scène d’enfance – ASSITEJ France, mais aussi des plateformes régionales qui se réuniront très bientôt à Lille.
Nous y parlerons bien sûr de conditions de création et de circulation des productions, mais aussi de nos modes de gouvernance, de solidarité et de coopération, d’aménagement des territoires, et des rapports entre Art, Culture et Education. Nous devrons également nous doter d’une feuille de route partagée, susceptible d’ouvrir la voie à des schémas d’orientations pour nos territoires. Et ce faisant, être en capacité de porter sereinement, au local comme au national, une parole commune et déterminée.