Inauguré en novembre dernier, à l’occasion du Festival Africain du Théâtre pour l’Enfance et la Jeunesse (FATEJ, Yaoundé, Cameroun), le laboratoire d’écritures “Construire des histoires” va connaître sa seconde session dans le cadre du festival de Cape Town.
Ce projet au long cours (2016 – 2019) propose, à travers des méthodes originales, une réflexion sur les dramaturgies contemporaines jeune public, et accompagne une structuration du secteur conduite par des artistes africains de toutes disciplines. Il est porté par Scènes d’enfance – ASSITEJ France, le FATEJ, et le Festival de marionnettes et de théâtre de rue Teni-Tedji, à Porto-Novo (Bénin), et s’inscrit dans le cadre des ateliers régionaux de l’ASSITEJ Internationale.
Afrique francophone : “Jeune public, où es-tu?”
C’est à partir d’un constat qu’est né “Construire des histoires” : celui de la – quasi – absence de l’espace francophone africain dans le cadre de la préparation du 19ème congrès de l’ASSITEJ. Des appels à candidatures ont été lancés dès 2015, afin de constituer un programme de qualité comprenant, en particulier, des sections dévolues aux spectacles produits en Afrique, et co-produits entre un pays d’Afrique et un autre continent, et de collecter publications et contributions scientifiques et techniques. Une seule proposition de spectacle francophone (Belgique – France – Sénégal) a été reçue dans ce cadre, et aucune proposition de contribution.
Pourtant, comme en témoignent l’expérience et les réalisations du FATEJ et de Teni Tedji, comme des autres structures rencontrées dans le cadre de l’ASSITEJ internationale, un secteur jeune public actif et créatif existe bel et bien en Afrique francophone. Pour aller plus loin, et pour déterminer quels étaient les besoins les plus essentiels auxquels une initiative pouvait répondre, Scènes d’enfance – ASSITEJ France a donc initié, en dialogue avec ses deux partenaires, à partir de septembre 2015, une série de rencontres avec des professionnels du spectacle jeune public exerçant en Afrique de l’Ouest, artistes, responsables de lieux et de programmes de coopération culturelle. Les éléments recueillis ont particulièrement fait ressortir :
- Le manque d’une reconnaissance spécifique de l’enfant en tant que spectateur
- L’isolement des artistes choisissant de travailler pour le jeune public
- Une demande de partage d’informations et de techniques au-delà des frontières
L’écriture comme vecteur
La réflexion menée, en particulier avec Gustave Akakpo, auteur et membre du Conseil d’administration de Scènes d’enfance – ASSITEJ France, a orienté notre proposition vers la création d’un Laboratoire d’écritures, “Construire des histoires”, ouvert à toutes les disciplines de la scène, et à tou/te/s les professionnel/e/s du spectacle vivant exerçant en Afrique, sans exigence préalable de spécialisation dans le domaine du jeune public. La dramaturgie, en tant que socle commun à toutes les formes d’expression scénique, et l’insertion de tout/e/s les participant/e/s dans un réseau de pairs, celui de l’ASSITEJ Internationale, en sont les ingrédients de base. Ils répondent à la double nécessité de développer les techniques du spectacle jeune public dans la région, et de conforter l’engagement des artistes qui s’y consacrent.
Les sessions du laboratoire sont menées par Pascale Grillandini, directrice artistique de l’association Postures, et Karin Serres, autrice et membre de la direction du réseau international Write Local, Play Global, et sont centrées autour de l’écriture, au sens large : Quelles sont les spécificités de la construction d’un spectacle adressé au jeune public ? Quels sont les besoins de ce public, ses attentes et sa sensibilité ? Quatre textes forts et représentatifs, écrits pour divers âges de l’enfance, sont proposés aux stagiaires, et livrés à une exploration collective, à travers des pratiques d’analyse, de sensibilisation et d’appropriation ludique. Dans un deuxième temps, s’engage un travail d’écriture sensorielle, ouvert, fruit d’une recherche et d’un échange collectif. Deux principes gouvernent l’organisation du travail : le laboratoire est un groupe actif où toutes les expériences se valent ; chaque participant/e participe à toutes les étapes.
Le laboratoire du Cap rassemblera 16 personnes de 9 pays (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Congo Brazzaville, Guinée Conakry, Madagascar, Rwanda, Togo, et France – Ile de la Réunion). Une attention particulière a été portée à la parité (8 hommes et 8 femmes, des tranches d’âge diverses), et à la diversité des profils, lors de la sélection des stagiaires : auteurs et autrices, marionnettiste, chorégraphe, conteur, comédien/ne/s, organisateur de festival, confirmés ou en début de carrière professionnelle.
Les sessions suivantes, en 2018, prendront place dans le cadre du FATEJ, à Yaoundé, et du Festival Teni-Tedji, à Porto Novo, et seront portées par les organisateurs de ces évènements, avec des groupes de participant/e/s constitués pour l’occasion.
Accompagner la structuration du secteur
Au delà de sa participation à l’atelier, le groupe présent à Cape-Town pourra bénéficier de l’environnement exceptionnel du festival et du congrès, pour voir des spectacles, participer à d’autres ateliers, et rencontrer d’autres professionnel/le/s du secteur. Et la question, cruciale, de la construction d’un réseau solidaire et opérationnel du jeune public Africain ne pourrait être posée dans un meilleur contexte.
L’ensemble du programme est prévu pour trouver sa conclusion en 2019 : d’abord par la participation d’un groupe de stagiaires au festival Petits et Grands, candidat à l’organisation des Rencontres Artistiques de l’ASSITEJ, puis par la tenue d’une ultime session du laboratoire au TARMAC, Théâtre International de la Francophonie à Paris, suivie d’une semaine dédiée à la création contemporaine pour le jeune public en Afrique, de rencontres professionnelles, et de présentations de travaux. Il sera, alors, temps de faire le bilan de “Construire des histoires”, auquel les artistes eux-mêmes donneront les suites qu’il souhaiteront, et de conclure le programme par une fête.
“Construire des histoires” a bénéficié, en 2016, d’une subvention du Ministère de la culture et de la communication, dans le cadre du Plan Génération Belle saison. Ce programme a, également, été rendu possible par la contribution des cinq principaux éditeurs francophones de théâtre jeune public, Espaces 34, L’école des loisirs, Editions Théâtrales, Actes Sud Heyoka, Lansman éditeur, à la constitution initiale d’une “valise de textes” remise à chacun des participant/e/s des formations. Comprenant 20 pièces jeune public contemporaine, la valise est destinée à instituer les artistes dans un rôle de personne-ressource dans leur pays de résidence, et à leur permettre de proposer aux institutions culturelles et aux écoles francophones en Afrique des projets basés sur les écritures jeune public.